Éco-conception numérique
Liste des indicateurs analysés :
- Poids des pages en octet ;
- Nombre de requêtes ;
- Taille du DOM ;
- Estimation des émissions en équivalent CO2 de la page ;
Liste des outils utilisés :
La question de l’éco-conception des services numériques est en passe de devenir l’un des sujets
incontournables du numérique, tout particulièrement dans le domaine public auquel appartiennent les
institutions culturelles. Ainsi, l’article 55 de la loi
AGEC de 2020 impose aux services publics de
promouvoir le recours à des logiciels dont la conception permet de limiter la consommation
énergétique associée à leur utilisation
.
Jusqu’à aujourd’hui, cet enjeu reste cependant très peu pris en compte dans les projets web, et le sujet semble quasi inexistant dans les institutions culturelles.
Afin d’évaluer l’éco-responsabilité de ces sites, nous proposons ici un état des lieux de leur performance énergétique. Cet état des lieux reprend pour son analyse les trois critères majeurs pris en compte par le Collectif Numérique Responsable pour ses outils d’analyse EcoIndex et GreenIT-Analysis :
- Poids des pages en octet ;
- Nombre de requêtes effectuées par la page (pour le chargement de médias ou de bibliothèques externes) ;
- Taille du DOM, c’est-à-dire une approximation de la complexité de la page.
Nous avons réalisé ces mesures via l’outil GreenIT-Analysis, qui calcule une estimation des émissions de gaz à effet de serre produite par la page en grammes équivalent CO2 (noté gCO2e). Le service attribue ensuite une note de A à F permettant de situer la page analysée.
L’analyse a porté sur les pages d’accueil des sites des musées. Une analyse plus approfondie de l’impact énergétique des sites de musées français aurait requis une analyse sur un parcours de pages représentatives de ces sites et du parcours type des utilisateurs. Par exemple : page d’accueil > découvrir les collections > horaires du musée > billetterie. L’analyse produite reste néanmoins pertinente dans la mesure où elle permet d’évaluer à critères équivalents les sites analysés.
Une vision optimale de l’impact énergétique de ces sites aurait également requis une analyse de cycle de vie (ACV) de l’ensemble du processus de conception et d’hébergement de ces sites, ce que nous ne sommes bien évidemment pas en mesure de faire. Nous nous focalisons donc sur un petit nombre de critères, mais qui nous semblent représentatifs de la sensibilité du musée et de son équipe au sujet de l’éco-conception.
Restitution des données collectées
Nombre de requêtes HTTP
En termes de nombre de requêtes effectuées par page, la médiane du nombre de requêtes se situe à 73, soit légèrement mieux que la médiane des sites testés sur EcoIndex (78 requêtes)1.
- Moyenne : 83 requêtes ;
- Médiane : 73 requêtes ;
- Maximum : 323 requêtes (musée du Moyen- ge, Cluny) ;
- Minimum : 24 requêtes (musée Yves-Saint-Laurent).
La diminution du nombre de requêtes HTTP est un élément essentiel d’éco-conception puisque le
temps
de chargement d'une page côté navigateur est directement corrélé au nombre de fichiers que le
navigateur doit télécharger. Pour chaque fichier, le navigateur émet un GET HTTP vers le serveur. Il
attend sa réponse, puis télécharge la ressource lorsqu'elle est disponible. Selon le type de serveur
web que vous utilisez, plus le nombre de requêtes par page est important et moins vous pourrez
servir de page par serveur. Réduire le nombre de requêtes par page est donc crucial pour réduire le
temps de réponse et l'empreinte écologique du site.
(Frédéric Bordage,
115 bonnes pratiques
d’éco-conception web)
Poids des pages
En ce qui concerne le poids des pages, les sites analysés se situent très au-dessus de la médiane des sites mesurés par EcoIndex, qui se situe à 1,41 MO (versus 3,4 MO pour le corpus analysé). Cet écart s’explique d’abord par le fait que nous n’avons mesuré que des pages d’accueil, qui sont souvent plus élaborées que des pages de contenu. Mais cet écart s’explique également probablement par le fait que les musées insèrent de nombreux médias (images, vidéos) dans leurs pages, ce qui en augmente le poids.
- Moyenne : 5.040 KO (5 MO) ;
- Médiane : 3.495 KO (3,4 MO) ;
- Maximum : 34818 KO (34 MO) (Centre Historique Minier, Musée de la Mine de Lewarde2) ;
- Minimum : 302 KO (0,3 MO) (musée de Grenoble).
Le travail sur le poids des pages est l’un des facteurs essentiels de réduction de l’empreinte environnementale du numérique. La majeure partie des bonnes pratiques d’éco-conception visent d’ailleurs à agir sur ce paramètre.
Au-delà de la réduction de l’empreinte environnementale de la page, l’optimisation de son poids est également essentielle à son chargement dans des contextes de connexion non-optimaux. Un utilisateur se connectant via un smartphone en 3G, ou via une connexion ADSL de mauvaise qualité aura du mal à charger une page trop lourde, et cela viendra perturber son expérience utilisateur.
Taille du DOM
Le DOM peut se définir de façon simplifiée comme la structure de la page HTML chargée par le navigateur. Plus celle-ci est complexe, plus elle comporte de balises et d’éléments, plus la taille de DOM est conséquente.
Nous constatons que les pages étudiées présentent ainsi une complexité sensiblement plus élevée (813 éléments) à la médiane des sites analysés par EcoIndex (603 éléments). Cette différence peut s’expliquer là-encore par le fait qu’il s’agisse d’un corpus spécifiquement composé de pages d’accueil, généralement plus complexes que les autres pages d’un site.
- Moyenne : 893 éléments ;
- Médiane : 813 éléments ;
- Maximum : 4058 éléments (musée du Moyen- ge - Cluny) ;
- Minimum : 163 éléments (musée du débarquement, Arromanche).
Limiter la complexité de la page (ce que l’on mesure à travers la taille du DOM) est primordial.
EcoIndex rappelle ainsi que le nombre d'éléments du DOM témoigne de la complexité du
site et
donc,
a priori, des efforts à faire par le navigateur pour afficher la page.
Si l’on entre dans le
détail, plus le nombre d'éléments du DOM est important et plus il faut de puissance (notamment
CPU)
pour l'afficher. Plus la puissance pour afficher la page est importante et plus on contribue à
raccourcir la durée de vie de l'ordinateur sur lequel il s'exécute. A l'inverse, un site
particulièrement simple et léger contribue à allonger la durée de vie du terminal.
Émissions de gaz à effet de serre
À partir des trois critères définis ci-dessus, le Collectif Numérique Responsable propose une évaluation de la quantité de gaz à effet de serre émise par la page analysée :
L’empreinte environnementale est calculée en fonction du niveau d'éco conception du site. Nous partons d’un impact moyen en termes d’émission de gaz à effet de serre et de consommation d’eau douce. Cette valeur moyenne est nuancée en fonction du niveau d’écoconception. C’est une approche simple qui permet de donner un ordre de grandeur réaliste. L’impact moyen est issu de plusieurs modélisations réalisées par GreenIT.fr. Ces résultats ont été vérifiés par des tiers et sont cohérents avec les résultats obtenus par d’autres modélisations totalement indépendantes. Dans cette première version, l’analyse s’entend depuis un poste fixe avec une connexion ADSL.3
Nous constatons un écart de 1 à 2 entre le site le plus sobre du corpus analysé, et celui le plus consommateur. Nous notons également une forte corrélation entre les données précédentes et le résultat obtenu ici.
- Moyenne : 2,25 gCO2e ;
- Médiane : 2,31 gCO2e ;
- Maximum : 2,96 gCO2e (musée du Moyen- ge - Cluny) ;
- Minimum : 1,48 gCO2e (musée du débarquement, Arromanche).
Des sites dans la moyenne basse du web
A partir des émissions de gaz à effet de serre dégagées par les services analysés, nous pouvons attribuer un score d’éco-conception du service. Ce score est calculé à partir d’une note dont la méthodologie est définie par le Collectif Numérique Responsable. Il est exprimé sous la forme d’une lettre de A (bon) à G (mauvais).
Nous constatons que sur l’ensemble des sites analysés, la majeure partie affiche un score médiocre (30 sites pour la note E) ou moyen (17 sites pour la note C ou 20 sites pour la note D). Un nombre conséquent de sites présente également un mauvais score (14 sites pour la note F). Seuls 5 sites présentent une note de B4, qui équivaut à un bon niveau d’éco-conception.
Enfin, le musée du Moyen-Âge - Cluny à Paris présente des résultats particulièrement mauvais à la date de l’analyse, qui s’explique en grande partie par le poids du site. Le musée du débarquement d’Arromanches bénéficie quant à lui de la note A, qui s’explique notamment par le caractère très simple du site.
In fine, les sites étudiés présentent une note médiane de 34,5/100, alors que la médiane des sites analysés par EcoIndex se situe à 57,74/1005. Nous l’avons déjà mentionné, le fait que les pages analysées soient exclusivement des pages d’accueil influence nécessairement le résultat. Néanmoins, nous constatons que les sites des 100 plus grands musées français sont peu performants en termes d’éco-conception.
Quelles pistes d’amélioration ?
Parmi les observations simples que nous avons pu réaliser, nous avons constaté que les sites présentant de mauvaises performances négligent de petits gestes qui permettraient pourtant une amélioration significative de leurs performances. Nous pensons notamment ici à l’optimisation du poids des images.
Par ailleurs, il est aisé d’établir un lien entre le nombre de mouchards installés sur le site et sa performance environnementale. En effet, plus le score de performance est haut, moins nous comptons de mouchards.
Enfin, pour plus d’information sur l’éco-conception de service numérique nous renvoyons vers les travaux du Collectif Numérique Responsable, et notamment le Guide des 115 bonnes pratiques d’éco-conception numérique, ainsi que vers les rapports du Shift Project dédiés au numérique.
- Résultat au 1 février 2021
- Précisons que le site semble avoir été mis à jour pendant la durée de l’étude, et sa page d’accueil ne pesait plus que 8 MO au 1 février 2021
- EcoIndex, Qu’est-ce que EcoIndex, consulté le 1 février 2021 à l’URL http://www.ecoindex.fr/quest-ce-que-ecoindex/
- Le musée d’art de Nantes, le musée de Grenoble, le musée Yves-Saint-Laurent, le musée d’art contemporain de Bordeaux et le palais des ducs de Lorraine à Nancy.
- Au 01/02/2021